La douleur thoracique

1. La douleur thoracique: sa définition

La douleur thoracique est le symptôme qui représente :

    environ 30% des troubles subjectifs motivant une consultation en médecine

    plus de 50% des motifs d'hospitalisations en cardiologie.

Son étiologie est extrêmement variée et dominée par les causes cardiovasculaires parmi lesquelles, trois urgences vitales qui doivent être rapidement éliminées:

    l'infarctus du myocarde

    l'embolie pulmonaire

    la dissection aortique

Suivant la localisation de la douleur thoracique, on parle de:

    Douleur rétrosternale : derrière le sternum , c'est-à-dire au centre du thorax.

    Douleur latéro-thoracique  : sur le côté du thorax.

    Douleur basi thoracique  : au niveau de la base du thorax.

Un interrogatoire précis et un examen clinique minutieux du patient permettent en général de préciser le diagnostic.

2. Les démarches diagnostiques de la douleur thoracique

L'interrogatoire et l'examen physique du patient

On fera préciser :

  •     le type de douleur (constrictive, brûlure, écrasement, pincement, en coup de poignard)
  •     le mode de déclenchement de la douleur (spontanée, à l'effort ou équivalent, postural)
  •     la durée , la fréquence et l' intensité de la douleur (heure de début, paroxysmes éventuels)
  •     l' ancienneté et l' évolution de la douleur (douleur aigüe ou chronique)
  •     la sensibilité éventuelle à la prise de médicaments (cédocard)
  •     la localisation de la douleur (rétrosternale, basithoracique)
  •     les irradiations de la douleur (membres supérieurs, mâchoire, dos)
  •     la reproduction éventuelle de la douleur à la palpation ou aux mouvements du patient
  •     les signes cliniques accompagnant la douleur (dyspnée, palpitations, cyanose, lipothymie, fièvre, troubles digestifs).
  •     les attitudes qui soulagent la douleur (position penchée vers l'avant, …)

La recherche des signes cliniques de gravité

  •     Difficultés respiratoires
  •     Symptômes associés : intolérance digestive, malaise vagal, syncope
  •     Troubles de la conscience
  •     Pouls périphériques faibles (état de choc)

3. Les principaux examens paracliniques

  •     Électrocardiogramme : à répéter si nécessaire
  •     Radiographie pulmonaire
  •     Echographie cardiaque
  •     Analyse biologique : dosage de la troponine ou de la troponine ultrasensible (HS troponin)
  •     En fonction du contexte clinique, d'autres examens complémentaires peuvent être demandés

4. Le diagnostic différentiel de la douleur thoracique

De très nombreuses affections organiques ou fonctionnelles sont susceptibles d'occasionner des douleurs thoraciques :

  • La douleur thoracique d'origine cardiovasculaire
    • L'insuffisance coronaire
    • L'embolie pulmonaire
    • La dissection aortique
    • La péricardite aigüe
  •  La douleur thoracique d'origine non cardiovasculaire
    • La douleur d'origine pulmonaire (pneumothorax, pleurésies)
    • La douleur d'origine gastro-œsophagienne
    • Les douleurs d'origine abdominale
    • Les douleurs pariétales d'origine rhumatologique
    • Les douleurs d'origine neurologique
    • Les fausses douleurs angineuses d'origine psychogène
    • Autres causes de douleurs thoraciques

Il n'existe pas de parallélisme formel entre la gravité de l'affection responsable et l' intensité de la douleur ressentie par le patient !

La douleur thoracique d'origine cardiovasculaire

Quatre causes de douleur thoracique à évoquer systématiquement du fait de leur gravité immédiate ou potentielle :

  1.     l'insuffisance coronaire
  2.     l'embolie pulmonaire
  3.     la dissection aortique (déchirure de la paroi de l'aorte)
  4.     la péricardite aiguë

Toute douleur thoracique prolongée, survenant chez un patient âgé de plus de 40 ans, avec des facteurs de risque cardio-vasculaire impose la réalisation d'un électrocardiogramme (ECG) et une hospitalisation pour surveillance clinique.

L'insuffisance coronaire      

Une origine coronarienne doit être suspectée devant l'association des trois facteurs :

  1.     une douleur thoracique typique  : constrictive, médio-thoracique, irradiant vers les bras ou la mâchoire…
  2.     un terrain évocateur  : antécédents coronariens personnels, familiaux, diabète, tabagisme, hypercholestérolémie, hypertension artérielle
  3.     des signes ECG évocateurs  : troubles de la repolarisation, séquelle d'infarctus

En cas de signes ECG compatibles avec une insuffisance coronaire aiguë, une hospitalisation est justifiée en urgence pour la mise en route du traitement et une surveillance du patient.

Un ECG normal et des marqueurs biologiques de l'infarctus du myocarde normaux lors du premier dosage n'éliminent pas le diagnostic d'insuffisance coronaire, surtout s'il y a des facteurs de risques et que la douleur est typique. Au moindre doute , une analyse biologique doit être effectuée pour doser les marqueurs biologiques de l'infarctus du myocarde (troponine, CPK).

L'embolie pulmonaire      

Le diagnostic d'embolie pulmonaire doit être suspecté lorsqu' une douleur thoracique, associée à une dyspnée brutale (difficulté respiratoire) survient chez un patient qui présente une phlébite ou des facteurs de risques (post-partum, période post-opératoire, association pilule et tabac, insuffisance cardiaque…).

La douleur thoracique peut être latéralisée, mais elle peut aussi être médiane, mimant ainsi une insuffisance coronaire aiguë.

Les examens paracliniques  :

  •     L'ECG : Le signe ECG le plus constant est une tachycardie sinusale. D'autres signes ECG sont plus évocateurs (S1 Q3, bloc de branche droit, inversion de l'onde T dans les précordiales droites).
  •     L'échographie cardiaque : Elle permet d'évaluer la gravité de la maladie en recherchant les répercussions sur le cœur droit (hypertension artérielle pulmonaire, dilatation des cavités droites)
  •     L'analyse biologique : le dosage des D-dimères. Si le dosage des D-dimères est négatif, le diagnostic est écarté avec une très bonne valeur prédictive négative (97%). Un test positif n'est par contre pas très spécifique (66 %) pour la présence d'une embolie pulmonaire.
  •     L'analyse des gaz du sang ou gazométrie : Elle doit être réalisée pour évaluer la sévérité de l'embolie pulmonaire. Elle montre une hypocapnie (diminution de la pression en CO2) et une hypoxémie (diminution de la pression en oxygène).
  •     La scintigraphie pulmonaire de ventilation-perfusion et l'angio-scanner spiralé : Ils peuvent être réalisés pour confirmer le diagnostic et évaluer la gravité de l'affection.
  •     La radiographie du thorax : Elle peut montrer des atélectasies en bandes ou un épanchement pleural basal.

En cas de suspicion du diagnostic d'embolie pulmonaire, un traitement par héparine à dose efficace, doit être débuté avant la confirmation du diagnostic.

La dissection aortique     

La dissection aortique doit être suspectée devant une douleur à début brutal, ressentie comme un coup de poignard, prolongée et irradiant dans le dos.

Certains signes cliniques spécifiques doivent être recherchés:

  •     apparition d'un souffle d'insuffisance aortique
  •     asymétrie de la tension artérielle aux deux bras
  •     abolition d'un pouls périphérique
  •     état de choc
  •     trouble neurologique déficitaire, …

Les facteurs favorisants :

  •     une hypertension artérielle ancienne mal contrôlée
  •     un syndrome de Marfan
  •     un traumatisme thoracique

Les examens paracliniques :

  •     L'ECG : Il est classiquement normal, ce qui élimine le diagnostic de l'infarctus du myocarde.
  •     La radiographie du thorax : Un élargissement du médiastin supérieur est observé.

En cas de doute quant au diagnostic de dissection aortique, une échographie cardiaque trans-œsophagienne doit être effectuée, éventuellement complétée par un scanner ou une IRM thoraciques .

La péricardite aigüe      

Le diagnostic de péricardite aigüe est évoqué devant une douleur thoracique présentant certaines caractéristiques cliniques :

  •     La douleur est modifiée par la respiration et les changements de positions
  •     Un contexte viral est associé ou a précédé l'apparition des symptômes
  •     L'examen clinique révèle la présence de la fièvre ou d'un frottement péricardique fugace.

Les examens paracliniques :

  •     L' ECG : Il montre un sus-décalage du segment ST concave et diffus et un sous décalage du segment PQ.
  •     L'analyse biologique : Elle montre la présence d'un syndrome inflammatoire. Les marqueurs biologiques de l'infarctus du myocarde peuvent être modérément élevés en cas d'inflammation du muscle cardiaque (myo-péricardite).
  •     La radiographie du thorax : Elle montre parfois un élargissement de la silhouette cardiaque.
  •     L'échographie cardiaque : En l'absence du tableau typique (douleur + fièvre + frottement), une échographie cardiaque peut confirmer le diagnostic par la mise en évidence d'un épanchement péricardique. Dans ce cas, le contexte clinique permet souvent de faire la différence entre une péricardite et un infarctus du myocarde en évolution.

La péricardite nécessite une hospitalisation pour :

  •     le bilan étiologique
  •     la mise en route du traitement
  •     la surveillance clinique du patient (risque de tamponnade rare mais gravissime)

La douleur thoracique d'origine non cardiovasculaire

La douleur d'origine pulmonaire (pneumothorax, pleurésies)       

La douleur :

  •     latéralisée
  •     à début brutal
  •     augmente avec la respiration et la toux.
  •     associée à une dyspnée ou à une polypnée

Il peut exister un contexte infectieux sous jacent (fièvre, frissons)

Les examens paracliniques :

  •     La radiographie du thorax : Permet de préciser le diagnostic ( condensation pulmonaire, présence d'air dans l'espace pleural )

La douleur d'origine gastro-œsophagienne      

Elle est ressentie comme une brûlure ascendante, soulagée par les pansements gastriques (pyrosis).

Le spasme œsophagien peut être ressenti comme une douleur pseudo-angineuse déclenchée par la déglutition, de durée brève, soulagée par la prise de dérivés nitrés (cédocard).

Les examens paracliniques :

  •     La manométrie oesophagienne : Montre une dyskinésie œsophagienne.

L'intrication de la symptomatologie clinique du spasme oesophagien avec un authentique angor est possible.

Les différentes causes de douleur d'origine gastro-oesophagienne :

  •     l'ulcère gastrique
  •     la rupture de l' œsophage
  •     le reflux gastro-œsophagien
  •     l'achalasie

Une analyse séméiologique fine des plaintes du patient est fondamentale et requiert un avis cardiologique spécialisé au moindre doute !

Les douleurs d'origine abdominale       

Elles sont causées principalement par :

  •     les lithiases vésiculaires
  •     la pancréatite aiguë
  •     la péritonite
  •     la présence d'un abcès sous-phrénique

Les coliques hépatiques peuvent occasionner des douleurs basi-thoraciques droites, avec parfois une irradiation vers l' épaule droite.

Certaines pathologies de la rate donnent des douleurs basi-thoraciques gauches, pouvant irradier vers l' épaule gauche.

La douleur d'origine pancréatique est typiquement épigastrique, transfixiante et décrite parfois comme rétrosternale basse.

Les douleurs pariétales d'origine rhumatologique       

  •     Le syndrome de Tietze : douleur mécanique de l'articulation sterno-costale avec tuméfaction locale
  •     Les douleurs musculo-ligamentaires : insertion du grand pectoral sur le sternum
  •     Les lésions sternales (infectieuses, néoplasiques)

 
Les douleurs d'origine neurologique      

Elles sont radiculaires, en ceinture, exacerbées par la toux.

Elles peuvent être causées par :

  •     un tassement vertébral,
  •     les tumeurs malignes,
  •     le neurinome,
  •     le zona intercostal,
  •     la maladie de Lyme (radiculite)

Les fausses douleurs angineuses d'origine psychogène      

Elles sont extrêmement fréquentes et constituent le motif de nombreuses consultations.

Ces douleurs :

  •     peuvent être localisées de manière précise sur le thorax,
  •     surviennent en coup d'épingle ou coup de poignard,
  •     sont souvent latéro-thoraciques gauches ou droites ou localisées dans la région mammaire.
  •     peuvent être extrêmement brèves (quelques secondes à quelques minutes), accentuées quelquefois par une inspiration profonde,
  •     peuvent être précipitées par un mouvement du tronc ou des bras.

Les signes d'accompagnement, tels que l'angoisse, la névrose ou les palpitations, sont fréquemment associés. Leur durée est relativement brève. Elles n'ont en général aucun facteur déclenchant particulier
 
Autres causes de douleurs thoraciques      

  •     Médiastinales : tumeurs médiastinales, pneumomédiastin , médiastinite
  •     Douleur thoracique dans le cadre d'un trouble du rythme
  •     Rupture d'un anévrysme au niveau du sinus de Valsalva

5. Conclusion

La douleur thoracique est un symptôme important qui peut être le révélateur d'une maladie grave, nécessitant un traitement en urgence (infarctus du myocarde, embolie pulmonaire et dissection aortique).

Les causes de douleur thoracique sont extrêmement variées. Une consultation médicale est le plus souvent nécessaire pour en préciser le diagnostic et nécessitera un interrogatoire approfondi, un examen clinique ou des examens complémentaires.

Toute douleur thoracique suspecte et prolongée (plus d'une dizaine de minutes), survenant chez des patients présentant des facteurs de risque cardiovasculaire nécessite une consultation médicale en urgence.